rencontres et relations ici

samedi 20 juin 2015

Internet permet-il de "vraies" histoires ?

Internet est un autre moyen pour les femmes et les hommes de faire valoir leurs désirs et leurs sentiments, de les partager, de les confronter : il est donc inévitablement au service des rencontres amoureuses ! Sous prétexte que chacun reste protégé derrière son écran, on a tendance à assimiler le virtuel au mensonge, à la tromperie et au refus ou à la peur de s’engager. Sauf que dans ce monde virtuel, des mots se rencontrent. Et en qualité de psychanalyste, je sais combien les mots sont engageants ; ils en disent beaucoup, au-delà de ce que chacun pense ou veut exprimer. De fait, la correspondance – car c’est bien de cela qu’il s’agit ! - permet d’arriver assez vite à un niveau d’intimité que le contact physique empêcherait. Parce que, alors, certaines personnes seraient embarrassées par leur physique, par la peur du regard de l’autre ou par leur propre jugement sur leur interlocuteur ; la rencontre visuelle est créatrice de quantité de préjugés qu’Internet permet de dépasser. Même s’il en crée d’autres, évidemment. Il ne s’agit pas d’idéaliser Internet, mais de ne pas le diaboliser non plus. Par exemple, ce n’est pas Internet qui a inventé la tendance, chez certains, à vivre dans le fantasme de l’autre et à l’imaginer plus qu’à le côtoyer. Comme toutes les névroses, celle-là existait bien avant et ne fait que se rejouer sur Internet. »

 Ce qui fait furieusement défaut, avec Internet, c’est le corps. Le corps de l’autre est toujours déstabilisant, il est à séduire. Et le malaise physique fait partie intégrante de la rencontre : il parle de notre désir et de ses contradictions, de notre difficulté à les accueillir… Il raconte déjà la part tangible de la relation. C’est le moment où l’on rougit, où l’on s’emmêle les pinceaux, où l’on trouve ridicule ce que l’on vient de dire… Ces ratés nous obligent à nous révéler, malgré tout. Alors que chez soi, devant son écran, on peut rêver sa relation. On a tout le temps de l’écrire, la scénariser, analyser le discours de l’autre, s’y adapter, surjouer nos capacités… Jusqu’au jour où l’on se rencontre enfin. Soudain, il faut faire avec une stabilité émotionnelle et une assurance qui font naturellement défaut lors d’un premier contact dans le réel. La rencontre devient le témoignage d’une réalité dont on s’était fortement protégé et que l’on avait même réinventée. Mais loin de moi l’idée de condamner les nouveaux médias ! Comme Sophie Cadalen, je leur reconnais bien des avantages. Aux internautes, je conseillerais seulement de s’efforcer d’être toujours au plus près d’eux-mêmes. Le risque est de bâtir une histoire dans sa tête et de vouloir absolument y coller et y faire entrer l’autre. Certes, cela vaut aussi dans la vraie rencontre, sauf que le face-à-face nous oblige très tôt à prendre l’autre en considération. Alors que sur Internet, on a tout loisir de s’enfermer dans son scénario… »

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