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samedi 30 mai 2015

Sites de rencontres : le fantasme de l'amour idéal

Dix ans après la naissance des premiers sites de rencontres, l’adhésion est toujours massive, et la performance de ces « serveurs du coeur », désormais indiscutable. Partout, des amoureux ravis témoignent, en nombre, de leur bonheur : « J’ai trouvé l’amour de ma vie. On a discuté deux, trois jours avant et, depuis notre rencontre, on ne s’est plus quittés et ça n’arrivera jamais » ; « Bientôt deux ans que nous nous sommes rencontrés via Meetic… Le coup de foudre immédiat dès notre première rencontre. Nous ne nous quittons plus, nous nous aimons plus que tout… »
Si nous rapportons toutes ces histoires d’amour aux chiffres des unions effectives nouées en ligne, nous ne sommes que dans l’écume : leur impact dans notre inconscient collectif est bien plus profond. Internet a radicalement changé notre façon d’envisager la rencontre et le discours amoureux, que nous soyons inscrits ou pas sur les réseaux.

Pour Alain Héril, sexothérapeute et psychanalyste, auteur, notamment, de Femme épanouie, avec le progrès numérique, notre société fait marche arrière : « En mai 1968, hommes et femmes ont dénoncé le couple comme objet d’oppression sociale. En réaction, ils voulaient bâtir, à égalité, des histoires où chacun aurait la place d’évoluer auprès de l’autre, où le risque d’échec était assumé. Les sites de rencontres ont changé cela. Par le biais d’Internet, nous sommes revenus à une image fixe de l’amour. Dans mon cabinet, je constate que mes patients sont de plus en plus victimes du mythe de l’amour. Les femmes, en particulier, recherchent un homme idéal, leur double masculin. »
Que l’on s’inscrive ou pas sur les sites, le mythe du prince charmant ou de l’âme soeur a repris de plus belle dans nos inconscients. Nora, 32 ans et un enfant, désespère de son célibat : « Il n’y a donc personne qui me convienne ? Je ne suis pourtant pas difficile… Il doit avoir le même niveau de vie que moi, être dans ma tranche d’âge, me faire rire et montrer quand même un peu de prestance. Je n’ai aucun critère physique : brun, blond, tout me va. Mais il faut tout de même qu’il soit plus grand que moi, un mètre quatre-vingts au minimum. »


Nora assure « ne pas demander la lune ». Pourtant, il y a toujours un détail qui l’arrête : « C’est un trait physique ou une manière de parler qui ne me donne pas confiance. » Malika, 37 ans, vient de trouver son « âme soeur » sur un réseau de rencontres. « Avant, mes critères étaient trop restrictifs. Je ne voulais pas d’un Maghrébin. J’avais trop peur de tomber sur un “blédard”, qui me renvoie dans des schémas contre lesquels j’ai lutté toute ma vie. » À 37 ans, la jeune femme d’origine algérienne s’est résolue à élargir ses critères de recherches. Nouvelle solution, nouvel espoir : « Je viens de faire la connaissance de Lalou. C’est “lui”. Nous avons le même humour, les mêmes goûts, les mêmes souvenirs d’enfance… C’est comme si nous nous étions toujours connus ! »

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